Hélène LY

Si vous tapez « conseils pour réussir un entretien » sur Google, vous verrez que les 10 premières pages sont exclusivement dédiées aux candidats qui vont passer un entretien. J’imagine que les pages suivantes aussi mais je n’ai pas eu le courage d’aller plus loin.

C’est peut-être logique mais j’avoue que ça me désole un peu parce que pour moi, un entretien c’est la rencontre entre deux professionnels: le candidat et le recruteur. Il devrait donc y avoir une préparation, de la motivation et de la méthode des deux côtés.

Je sais, pour l’avoir expérimenté à plusieurs reprises, que la position du candidat est très compliquée. Un candidat a peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas être retenu, de ne pas savoir capter l’attention du recruteur, d’être trop ceci et pas assez cela et finalement d’être recalé et rater une opportunité qui pourrait changer sa vie (et souvent le tirer d’une situation délicate). Il est donc important d’être bien préparé et de savoir comment affronter les méchants recruteurs.

Mais un recruteur a peur lui aussi! Peur de se tromper et de faire perdre de l’argent à son entreprise. Peur de passer pour un arrogant quand il est beaucoup plus jeune que son candidat. Ou au contraire pour un ringard face à un jeune diplômé dont il a 2 fois l’âge. Peur de ne rien comprendre au parcours, de s’ennuyer (c’est humain), peur de perdre du temps et d’être déçu (ça aussi c’est humain)…Un recruteur doit aussi se préparer parce que c’est tout sauf facile de bien mener un entretien de recrutement, surtout quand on doit être productif et voir beaucoup de candidats.

Pour ma part, je recrute dans l’IT: c’est un domaine où la concurrence est féroce et où il y a peu de candidats. C’est à moi par exemple de leur expliquer pourquoi il doivent choisir mon entreprise et pas une autre. Les rôles sont complètement inversés et cela m’a donc obligé à très bien préparer mes entretiens parce que c’est davantage à moi, recruteur, de laisser une bonne impression à mes candidats. Et je trouve que, peu importe le domaine, les recruteurs devraient toujours avoir à cœur de bien traiter les candidats qu’ils rencontrent.

J’ai fait une petite liste non exhaustive de ce qui me paraît essentiel pour faire un bon entretien du coté recruteur. Je l’ai souvent dit et répété ici: il n’y a pas de formation pour devenir un bon recruteur et c’est un métier beaucoup plus difficile qu’on veut bien le laisser croire. On apprend au fur et à mesure et on peut toujours se tromper alors autant adopter une attitude et des comportements responsables et respectueux dès que possible.

Comme d’habitude, je m’appuie sur mon expérience et ne souhaite en aucun cas en tirer une vérité universelle ou une méthode infaillible. Je n’ai pas la science infuse et je ne suis pas parfaite. J’ai l’impression qu’il s’agit surtout de bon sens et de choses plutôt simples à mettre en place mais qui ne sont pas forcément évidente pour tous et toutes.

1/ Préparer l’entretien avant que le candidat arrive

Il faut bien connaître son CV, relire ses notes quand on l’a eu au téléphone avant, préparer des questions: en bref on n’arrive pas les mains dans les poches! Quand je vais en entretien, le CV est déjà annoté, stabiloté, ce qui me permet de savoir sur quel point je veux insister ou ce que je veux seulement aborder. On exige des candidats qu’ils fassent toutes les recherches possibles sur notre entreprise pour nous prouver leur intérêt et leur motivation. La moindre des choses c’est de leur prouver qu’on a lu et compris leur CV, qu’on s’intéresse à eux et qu’on ne les reçoit pas par hasard. C’est donnant-donnant.

2/ Soigner l’accueil et mettre à l’aise

Un entretien est un moment stressant. Inutile donc d’en rajouter en instaurant un climat désagréable dès le début. Nous sommes avant tout des êtres humains et je ne vois pas l’intérêt de déstabiliser les candidats, en se montrant hautain ou en mettant la pression. Il s’agit de créer les bonnes conditions pour qu’un candidat puisse s’exprimer sans crainte, rester lui-même et ne pas se sentir jugé ou évalué, surtout pendant les premières minutes. Alors on fait un effort (ça ne devrait pas en être un), on offre un café ou un verre d’eau, on demande si le trajet s’est bien passé et s’il a trouvé facilement les locaux. Bref on se montre poli, chaleureux, souriant (sans en faire trop non plus: il faut trouver le bon équilibre).

3/ Se rendre complètement disponible (et être à l’heure!)

Lorsqu’on invite un candidat en entretien, on attend qu’il soit à l’heure, qu’il coupe son téléphone, qu’il soit attentif et réponde à nos questions, qu’il donne le meilleur de lui-même, qu’il se tienne bien…Ça paraît logique et évident n’est-ce pas? Mais alors pourquoi tous les recruteurs n’agissent pas de la même manière en retour? Quand on se prépare à entrer en entretien, on éteint son téléphone, on demande à ne pas être dérangé, on se met en situation d’échange et d’écoute active et on essaie de donner son maximum. Et on fait tout ça même si c’est le 5ème entretien de la journée, qu’il est tard, qu’on a faim et qu’on a tout un tas d’autres choses à gérer…C’est notre boulot!

4/ Expliquer le déroulement et les objectifs de l’entretien

Il m’est arrivé à de (trop) nombreuses reprises d’être reçue en entretien sans que mon interlocuteur se soit présenté et sans avoir eu aucune explication sur ce qui m’attendait. Il me paraît indispensable de « poser le décor », de « briser la glace » comme lors d’un premier rendez-vous: on explique qui on est, pourquoi on se rencontre, comment va se dérouler l’entretien, combien de temps cela va durer (éventuellement donner un timing). Cela semble basique, ça ne l’est pas. C’est en expliquant clairement pourquoi on est là et ce qu’on attend qu’on permettra à un candidat de faire également un bon entretien. Un entretien doit être construit avec une introduction, un temps de présentation et un temps d’échange. Il est nécessaire que le recruteur explique les règles du jeu.

5/ Se montrer clair, objectif et factuel

J’entends très souvent que « le recrutement est une question de feeling ». Certes, je ne peux pas dire le contraire, on se fie beaucoup aux impressions et à l’instinct. Mais le feeling ne peut pas être le seul fil conducteur d’un entretien. Un recruteur doit se baser sur des faits, sur les expériences et les compétences du candidat, en posant des questions simples et claires, en reformulant lorsque c’est nécessaire, en creusant lorsqu’il y a des zones d’ombre. L’idéal est d’avoir une trame (pas simplement une grille où on coche des cases) qui va servir de guide et qui va permettre de structurer les échanges. On évite de faire un interrogatoire, le ton péremptoire et accusateur, et les questions pièges qui ne servent strictement à rien.

6/ Ecouter, laisser parler, regarder son interlocuteur

Je me répète mais un entretien est un échange. Le but est de faire parler le candidat pour qu’il raconte qui il est et ce qu’il veut/ peut faire et apporter à l’entreprise. Mais il ne s’agit pas simplement de poser des questions: il faut écouter les réponses et lui montrer qu’on s’intéresse vraiment à ce qu’il nous dit. J’ai souvent rencontré des recruteurs qui monopolisaient la parole et m’ont donné l’impression de ne pas écouter mes réponses. C’est important aussi de ne pas passer son temps à prendre des notes: rien de pire que de s’adresser à quelqu’un qui ne vous regarde jamais! Un recruteur doit aussi être là pour encourager, accompagner, répéter. on doit se montrer ouvert, patient, bienveillant. Et là encore c’est une question de dosage: on accorde la même attention à chaque candidat!

7/ Alterner les questions ouvertes et fermées

Il y a les fameuses et très souvent incontournables « parlez-moi de vous », « parlez-moi de vos échecs, de vos réussites », « quels sont vos qualités et vos défauts »(SOS!). Les questions ouvertes vont permettre au candidat de montrer sa capacité de synthèse, à s’exprimer, à gérer son stress. Il va pouvoir exprimer sa personnalité et argumenter. A ce moment là, on n’oublie pas à quel point c’est un exercice difficile qui n’a rien de naturel pour le commun des mortels. – D’ailleurs avez-vous récemment fait l’exercice comme si vous étiez candidat? Si la réponse est non, je vous invite à vous prêter au jeu, c’est très instructif! – Les questions fermées ou plus factuelles sont également utiles pour vérifier des informations simples, voir si le candidat « hésite » quand il répond (là encore on garde à l’esprit que ça n’est pas facile et que le but n’est pas de piéger).

8/ Donner du concret

Le candidat vous a parlé de lui, a répondu à vos questions, a fait en sorte de dissiper vos doutes et de vous rassurer. A notre tour, nous devons lui donner des informations aussi concrètes et précises que possible. Il s’agit d’un échange et donc d’un partage d’informations. Le candidat ne peut pas être le seul à répondre aux questions et à parler de lui. (Re)faites le point sur la société et sur le poste, sur les compétences clés, sur l’organigramme (qui sera le N+1?) sur la rémunération (oui je sais on n’aime pas ça!): il est indispensable de donner de vrais éléments qui vont permettre aux candidats de bien comprendre pourquoi il sont venus. Quand on n’a pas les infos (ce qui est un peu inquiétant mais malheureusement très fréquent), il faut être transparent et expliquer qu’on va se renseigner (et le faire vraiment!).

9/ Faire la distinction entre privé et professionnel

Souvent les recruteurs poussent des cris d’orfraies quand on parle de discrimination en entretien. Tout le monde crie au scandale parce que c’est interdit et blablabla. Sauf que nous le faisons tous, souvent sans nous en rendre compte et la plupart sans aucune volonté de discriminer. Même si l’article L1132-1 du Code du Travail est très clair, il est parfois difficile de ne pas poser de questions « personnelles » à un candidat et la imite est souvent floue. En tant que recruteur, je m’interroge toujours: quand je pose cette question, est-ce que cela a un rapport direct avec le poste pour lequel je rencontre ce candidat? Est-ce que cela va m’influencer? C’est loin d’être évident parce que nous avons tous et toutes des préjugés, des stéréotypes et souvent des contraintes/critères imposés par les clients (mais ça on n’a pas le droit de le dire…et c’est moins fréquent ouf!). Il faut être le plus objectif possible pendant l’entretien.

10/ Expliquer la suite du process et tenir parole

À la fin de l’entretien, même si le candidat ne demande rien (ouh c’est pas bien!) un recruteur doit expliquer la suite du processus: les éventuels prochains entretiens et étapes, les différents interlocuteurs qui peuvent intervenir et surtout il doit s’engager à informer le candidat et tenir des délais. Trop de recruteurs font l’autruche après un entretien et ne recontactent plus jamais les candidats (pourtant tous les recruteurs vous diront qu’ils font un retour/ débrief à tous les candidats…). Un candidat ne devrait jamais rester sans nouvelle après un entretien, JAMAIS! On se doit respect mutuel et honnêteté. Il m’arrive de ne pas avoir de nouveaux éléments à donner à un candidat. Je l’appelle quand même, pour lui montrer que je ne l’ai pas oublié, mais aussi pour lui rappeler que je ne suis pas décisionnaire et que les choses n’avancent pas forcément aussi vite que je l’espère. Et en général, c’est dingue, mais les candidats me remercient (preuve qu’on marche vraiment sur la tête).

Comme je l’ai dit en introduction, la liste n’est pas exhaustive (et je sais que certains ne se priveront pas de me faire remarquer que je n’ai pas abordé tel ou tel sujet: il s’agit d’un article LinkedIn pas d’un livre ou d’une étude complète sur le sujet!).

C’est ma petite, toute petite contribution pour équilibrer davantage les rapports entre les recruteurs et les candidats. C’est aussi un nouveau moyen de montrer que recruter est un métier difficile, complexe et qu’on ne devient pas recruteur en claquant des doigts. 

Comme d’habitude, les commentaires sont ouverts. N’hésitez surtout pas à laisser vos suggestions, questions…toujours dans le respect et la bienveillance (merci!)

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