Hélène LY

Quand on demande à un recruteur pourquoi il a choisi ce métier, très souvent la réponse est « je voulais faire de l’humain« . Je suis bien placée pour le savoir parce que c’est la raison pour laquelle je me suis tournée vers le recrutement après mes études 😅

Il m’arrive régulièrement d’échanger avec des personnes qui sont intéressées par une reconversion dans le recrutement. Elles m’expliquent en général qu’elles aiment les gens, qu’elles ont un bon relationnel, qu’elles aiment rencontrer du monde, qu’elles aiment discuter et échanger etc…Et souvent je leur dis « attention, si vous ne choisissez ce métier que pour l’humain, vous risquez d’être déçu ». C’est un peu brutal, mais c’est la réalité.

Dans cet article, je partage avec vous mes réflexions sur cette expression et pourquoi je pense que recruter c’est bien plus que ça.

1/ Faire de l’humain, c’est très réducteur…

…et en plus ça ne veut rien dire 🙄 Quand on y pense, c’est une expression très bizarre et dont le sens n’est pas forcément clair.

Au tout début de ma carrière, j’ai passé un entretien pour être chargée de recherches (aujourd’hui ça s’appelle sourceur/ sourceuse) dans un cabinet de recrutement. Le dirigeant m’a demandé ce qui me plaisait dans ce job et de manière un peu automatique, je lui ai répondu « j’aime faire de l’Humain« . Il a ri franchement et il m’a dit « Vous vous prenez pour Dieu? » Et puis il a ajouté « a priori, on est tous des humains et on travaille avec d’autres humains alors qu’est-ce qui est différent dans le recrutement? »

A l’époque, ça m’a bien déstabilisée (et ça ne m’a pas fait rire du tout). Mais avec le recul, je comprends ce qu’il a voulu dire.

👉 Quand on dit que recruter c’est juste « faire de l’humain », ça renvoie implicitement à l’idée que c’est quelque chose d’instinctif, qu’on peut faire au feeling. Pour moi, c’est une des raisons qui laisse penser que le recrutement n’est pas vraiment un métier et que c’est facile. D’ailleurs, c’est souvent un job qu’on propose aux débutants dans les RH. Et je pense que c’est aussi pour ça que beaucoup de recruteurs veulent rapidement faire autre chose. Je crois qu’il y a un décalage trop important entre ce que l’on imagine et la réalité.

👉 Si on parle d’humain alors il y a des dizaines de métiers où l’on « fait de l’humain »: par exemple les métiers de la santé, l’enseignement, le commerce…Ce n’est pas réservé au recrutement! Je crois que c’est très lié au fait qu’on confond systématiquement le recrutement et les ressources humaines. Je lis souvent « les recruteurs ont oublié la signification du H de ressources humaines ». Pourtant, tous les recruteurs n’ont pas une formation RH (loin de là) et tous les gens qui travaillent dans les RH ne font pas du recrutement. Finalement, on ne sait pas trop ce que font les RH. Quand j’étais recruteuse, mon père m’appelait souvent « Mme la DRH » 😂 et une fois un ami m’a dit « ah en gros c’est toi qui licencies les gens » 🤔

En fait dire que recruter c’est « faire de l’humain » ou « se montrer humain », ça réduit terriblement le périmètre du métier. Comme si finalement, recruter des gens, c’était simplement rencontrer des gens et discuter avec eux (bon c’est pas complètement faux…) Mais recruter, c’est bien plus que ça.

2/ Le recrutement est un métier pluridisciplinaire

Je mets rarement un mot de 18 lettres dans un sous-titre, il fallait que je le dise!

Quand on parle de recrutement, la plupart du temps, les gens pensent au fameux triptyque « annonce-CV-entretien« . C’est normal, c’est ce qui est visible et c’est surtout l’expérience qu’on a du recrutement quand on est du côté candidat.

Un recruteur passerait donc son temps à publier des offres d’emploi, à trier des CV et à faire passer des entretiens.

📢 Scoop: alors oui mais non. Un recruteur fait bien plus de choses même si ces 3 activités font partie du métier.

Le quotidien d’un recruteur est très différent d’une entreprise à une autre, selon le secteur dans lequel il travaille, et selon son « périmètre » d’activité. Pour préparer cet article, j’ai essayé de lister tout ce que j’ai fait quand j’étais recruteuse. Voilà ce que ça donne:

Au quotidien

  • analyse et compréhension du besoin, parfois à partir de 3 mots sur un post-it
  • sourcing (on a longtemps parlé « d’approche directe » ou de chasse): c’est souvent une tâche totalement invisible pour les autres mais qui demande méthode, concentration et temps
  • rédaction et diffusion d’annonces : rédiger une bonne annonce ce n’est pas aussi simple qu’on l’imagine
  • lecture et tri des CV : non, tous les recruteurs ne passent pas 6 secondes sur un CV 🙄 et non tous les CV ne sont pas lus par des robots 🤦‍♀️
  • pré-qualifications téléphoniques, pour « filtrer » avant les entretiens
  • entretiens avec les candidats: collectifs, individuels, en binôme/trinôme, physique/ en visio etc, au minimum 45 minutes avec chaque candidat
  • accompagnement pour faire passer des tests sur lesquels on n’est pas forcément formé
  • rédaction des comptes-rendus, pas toujours simple d’être à la fois complet et synthétique, et de reste objectif mais suffisamment « attractif »
  • organisation d’autres entretiens, avec les managers, dirigeants, clients qui ne partagent pas toujours leur agenda et manque parfois cruellement de réactivité
  • communiquer avec les candidats, oui, malgré les apparences, il y a quand même beaucoup de recruteurs qui donnent des réponses aux candidats aux différentes étapes du process de recrutement
  • rédaction et présentation des promesses d’embauche
  • rédaction et envoi du contrat
  • reporting d’activité pour rendre compte du travail fourni et de l’état d’avancement des dossiers
  • veille métier (pour se tenir informé, bien connaître son marché, découvrir de nouveaux outils et méthodes etc…)

Selon l’entreprise et le rôle attribué (à faire « en plus » de la liste précédente)

  • Organisation et animation de jobdatings
  • Participation à des salons, forums, événements avec les écoles
  • Recrutement des stagiaires et des alternants (relations écoles + dossiers à remplir)
  • Organisation des élections professionnelles 😱
  • Gestion des paies (jusqu’à 180 pour moi)
  • Gestion administrative (en gros trouver des réponses/solutions à toutes les demandes des salariés)
  • Animation des réseaux sociaux
  • Travail sur la Marque Employeur
  • Pilotage d’un projet sur l’onboarding
  • Former, suivre, accompagner des stagiaires (+ relecture et correction de mémoires, participation à des soutenances)
  • Gérer les relations avec les prestataires « outils » (jobboards, ATS, formation etc)
  • Gérer les changements de statuts pour les salariés étrangers
  • Gestion des absences (planning congés, déclarations des arrêts maladies)

J’ai sans doute oublier plusieurs points et si vous êtes recruteur vous avez sans doute aussi des activités/ sujets à ajouter.

En bref, recruter demande bien souvent d’avoir des compétences (ou au minimum de bonnes connaissances) en droit social, gestion de paie, rédaction, marketing et communication, négociation et commerce...on est très loin du recruteur qui poste des annonces et attends sagement les candidats sans rien faire…

3/ L’humain est indispensable mais pas suffisant

Evidemment, pour moi, un recruteur doit aimer les gens. Et plus précisément, il doit aimer écouter, chercher à comprendre, avoir de l’empathie. Le jour où un recruteur dit un peu trop souvent « je ne supporte plus les gens » ou « les candidats m’énervent », c’est qu’il est temps d’arrêter ou en tout cas de se remettre sérieusement en question…

Mais il ne faut pas laisser penser que le recrutement se résume uniquement à ça. J’ai connu des managers et des dirigeants d’entreprise qui étaient très humains mais qui étaient de mauvais recruteurs. Parce qu’ils n’avaient pas de méthode et qu’ils faisaient tout au feeling. Parce qu’ils ont reproduit ce qu’ils avaient vécus eux-mêmes en tant que candidats ou salariés. Parce qu’ils n’avaient été ni sensibilisés, ni formés au recrutement.

Prenons l’exemple de l’entretien qui est souvent vu comme LE moment phare d’un processus de recrutement. Je fais partie des personnes qui pensent que l’entretien est un échange, une conversation. Mais je fais particulièrement attention lorsque je dis ça, notamment en formation. Parce que cela pourrait laisser penser que finalement recruter c’est juste discuter avec des gens. Encore une fois, ce n’est pas complètement faux et on a tendance à oublier cette part importante du métier: apprendre à connaître l’autre (qu’il soit candidat ou client), comprendre ses attentes, ses besoins, ses motivations, ce sont des points absolument essentiels.

Mais un entretien, ce n’est pas uniquement une conversation et ça ne s’improvise pas. C’est un exercice qui demande de la préparation, de l’analyse, de la réflexion. Un entretien doit être un moment agréable mais ce n’est pas une discussion entre ami au café du coin.

Et c’est pareil pour toutes les activités d’un recruteur: il ne suffit pas d’aimer l’humain ou d’être « bienveillant » pour définir ses critères de sélection, écrire de bonnes annonces, savoir lire un CV.

Conclusion

Être à l’écoute, bienveillant, attentif, sympathique, ouvert sont des qualités absolument nécessaire pour recruter. Mais résumer le recrutement à l’humain me paraît à la fois dangereux et simpliste.

Ce n’est pas parce qu’ils ne sont pas humains que les recruteurs ne répondent pas aux candidatures ou qu’ils rédigent de mauvaises annonces. C’est davantage parce qu’ils n’ont pas été formés et accompagnés pour le faire correctement. Et c’est également parce que le recrutement n’est pas encore suffisamment valorisé et pris au sérieux, malgré sa dimension stratégique dans l’entreprise.

Alors avant de choisir ce métier (ou de le critiquer), prenez le temps de vous renseigner sur ce que fait vraiment un recruteur et vous verrez qu’il ne s’agit pas uniquement de « faire de l’humain ».

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4 réponses

  1. Exactement, et je peux rajouter :
    Du contrôle de référence, des mises en situation professionnelles, être force de proposition, conseils RH, suivi d’intégration, développement du cabinet de recrutement, recherche de partenariats, prospection…

    Un métier enrichissant qui demande de l’humain, certes, une analyse, de la curiosité, de l’empathie, de la neutralité pour répondre aux besoins en recrutement.

    Merci Hélène pour l’article (j’adore ta façon de communiquer et les emojis dans l’article de blog 😉).

  2. Est -il possible d’avoir vos coordonnées téléphoniques afin d’échanger sur votre fonctionnement ?
    Cordialement.

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