C’est un exercice que beaucoup de recruteurs sont amenés à faire dans leur parcours. Et il est parfois imposé. Quand j’étais recruteuse, j’ai fait des dizaines de prises de références mais je n’ai jamais aimé ça. Les premières ont d’ailleurs été catastrophiques😱. En tant que candidate, j’ai eu la chance de bénéficier de référents bienveillants et factuels. Ce n’est pas toujours le cas.

J’ai progressivement abandonné cette pratique qui n’apporte aucune certitude sur la « réussite » future d’un candidat. Pour moi, c’est comme appeler l’ex de la personne qui vous plaît pour savoir comment s’est passée leur relation. Personne ne fait ça (ou alors c’est hyper bizarre!) Et elle me semble très injuste puisque le candidat peut rarement faire la même chose côté entreprise.

Alors j’ai pensé quelques conseils simples pourraient aider les uns et les autres à s’y retrouver. J’ai essayé de me mettre respectivement dans la peau du recruteur, du candidat et du référent.

1/ La prise de références: késako?

De nombreuses entreprises et cabinets de recrutement incluent la prise de références dans leur processus de sélection des candidats. Elle consiste à contacter les précédents employeurs d’un candidat pour confirmer/ infirmer un certain nombre d’informations suite à un entretien. Par exemple la durée d’un contrat, les intitulés de poste, missions et responsabilités exercées, motifs de départ etc. Pour un recruteur cela consiste surtout à se rassurer et éventuellement à « compléter » les infos obtenues en entretien.

Elle n’est pas obligatoire et ne devrait jamais être imposée. Et vous devez respecter le cadre légal, plusieurs articles du Code du Travail précisent ce cadre.

Article L.1221-6

Les informations demandées, sous quelque forme que ce soit, au candidat à un emploi ne peuvent avoir comme finalité que d’apprécier sa capacité à occuper l’emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles.

Ces informations doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l’emploi proposé ou avec l’évaluation des aptitudes professionnelles.

Le candidat est tenu de répondre de bonne foi à ces demandes d’informations.

Article L.1221-8

 » Le candidat à un emploi est expressément informé, préalablement à leur mise en oeuvre, des méthodes et techniques d’aide au recrutement utilisées à son égard.

Les résultats obtenus sont confidentiels

Les méthodes et techniques d’aide au recrutement ou d’évaluation des candidats à un emploi doivent être pertinentes au regard de la finalité poursuivie ».

Art L.1221-9

Aucune information concernant personnellement un candidat à un emploi ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance.

La loi ne vous oblige pas à obtenir l’autorisation du candidat. Mais je vous conseille de demander un accord écrit. Et cela est valable même lorsque le candidat les indique dans son CV ou sur son profil LinkedIn. Et même si vous connaissez les référents en question grâce à votre réseau…STOP à la prise de référence sauvage! Vous devez prouver que le candidat a bien été informé, un formulaire signé par le candidat montrera votre bonne foi.

Vous pouvez aussi consulter les recommandations de la CNIL. Elle a édité un guide que vous pouvez consulter ICI

2/Recruteurs: restez éthiques et neutres

Vous ne pouvez pas faire n’importe quoi (et heureusement d’ailleurs…)

N’improvisez pas

Préparez la prise de référence! Construisez une trame, des questions claires et précises et prévoyez du temps (15/20 minutes). Vous n’êtes pas en train de mener une enquête ou un interrogatoire. Définissez vos attentes et ne demandez pas tout et n’importe quoi à votre interlocuteur. Ensuite préparez des questions en lien direct avec le poste et les critères d’évaluation. Exactement comme pour l’entretien!

Exemple : évitez de demander « est-ce que M/Mme X sait gérer les conflits? ». Demandez plutôt « pouvez-vous me parler d’une situation où M/Mme X a dû gérer un conflit avec ses collègues? Comment a-t-il/elle abordé la situation et quelles ont été les actions spécifiques entreprises pour résoudre ce conflit ?

Prenez des notes et ne reformulez pas les propos de votre interlocuteur.

Faites preuve de respect

Au-delà du seul cadre légal, vous devez réaliser la prise de référence avec discrétion, respect et considération pour le candidat. Si besoin, n’hésitez pas à (ré)expliquer au candidat en quoi consiste la prise de références, pour éviter tout quiproquo. Ce qui est évident pour vous ne l’est pas forcément pour les autres.

Je vous conseille de ne jamais faire de prise de référence auprès de l’employeur actuel du candidat.

Faites un retour au candidat. Il ne faut pas hésiter à débriefer le candidat après un contrôle de références. Qu’il soit bon ou plus mitigé ou même carrément mauvais. Si la prise de références est positive, ce sera rassurant et valorisant pour lui. Si au contraire on a eu de mauvais retours, il faut instaurer un dialogue avec le candidat (sans virer à l’interrogatoire). Il a aussi le droit de donner son point de vue et ses explications. La transparence est essentielle.

Prenez du recul

N’oubliez pas que la personne qui vous donne des informations sur le candidat ne lui veut pas toujours que du bien. Vous devez donc être capable de faire la part des choses. Et rappelez-vous qu’une mauvaise expérience dans une entreprise/ avec un employeur précédents ne signifient pas que le candidat est mauvais. Il faudrait pouvoir analyser tout le contexte et l’environnement de travail pour commencer à tirer des conclusions.

La situation inverse existe aussi : qui vous dit que le référent et votre candidat ne sont pas devenus bons amis? Dans ce cas, il est fort possible que le référent vous brosse un portrait idyllique et donc loin de la réalité.

En bref, soyez prudents sur les retours qu’on vous donne.

3/ Candidats: ne paniquez pas !

J’ai souvent vu des candidats déstabilisés quand on leur demande de donner des noms de référents à contacter. Les recruteurs ont la réputation de chercher à piéger les candidats. Alors je comprends donc tout à fait que cela puisse être stressant. Le mieux est donc de bien préparer cette étape et de communiquer régulièrement avec ses référents potentiels:

Préparez-vous

Avant de commencer une recherche d’emploi, faites une petite liste (4 ou 5 personnes) d’anciens managers/ employeurs/ collègues soigneusement choisis. Demandez-leur si vous pouvez transmettre leurs noms et coordonnées aux recruteurs. Vous verrez comment ils réagissent: c’est un excellent moyen de reprendre contact et de « tâter le terrain ».

Faites en sorte d’avoir au moins un référent. Ne pas avoir de référents peut vite paraître suspect aux yeux d’un recruteur.  Si vous êtes jeunes diplômés, vous pouvez donner les noms de vos responsables de stage ou tuteurs à l’école. Si vous avez fait toute votre carrière à l’étranger, demandez un courrier de recommandation. Vous avez le droit de refusez, mais si cela fait partie du process de l’entreprise, cela risque de bloquer…

Il n’est pas nécessaire de mentionner vos référents sur votre CV (vous pouvez éventuellement indiquer « référents sur demande »). Par contre pensez à avoir leurs mails/ téléphones à porter de main en entretien. Cela rassurera le recruteur et vous permettra de gagner du temps dans le process.

Communiquez

Prévenez toujours un référent qu’il est possible qu’un recruteur prenne contact avec lui. Il n’y a rien de pire qu’un référent qui ne se souvient plus de vous. Il risque de répondre n’importe quoi au recruteur ou de ne pas répondre du tout. Donnez leurs quelques informations sur l’entreprise et le poste pour lequel vous avez postulé.

Ne mentez pas en entretien et soyez prêts « à vous défendre » (je sais, c’est assez déplorable). Mais n’oubliez pas que (sauf exception) vos anciens managers et collègues ne sont pas forcément vos amis. Ils diront peut-être des choses que vous n’aviez pas prévues. Ou décriront des situations que vous n’avez pas vécues de la même manière. Certains mentiront peut-être et vous ne serez pas là pour vérifier. C’est pourquoi il est important d’avoir des référents de confiance

4/ Référents: restez objectifs et bienveillants

Donnez uniquement des informations professionnelles

Un de vos anciens collègues ou collaborateur a décidé de vous faire confiance pour parler de lui à un recruteur. L’enjeu est important et vous avez une responsabilité envers cette personne. Il est donc essentiel de vous comporter avec loyauté et professionnalisme.

Donnez uniquement des informations professionnelles. Cela paraît simple dit comme ça, mais on donne souvent des informations personnelles sans s’en rendre compte. Parlez des compétences, des missions et du périmètres du poste, des responsabilités: restez factuels et objectifs. N’abordez pas l’état de santé ou le statut marital ou familial.

Ne cherchez pas à nuire

Un recruteur vous appelle pour prendre des informations sur un ancien salarié/ collègue que vous « n’aimez pas », avec qui ça s’est mal terminé? Là encore, restez factuel. Et faites la part des choses entre ce qui peut réellement être en lien avec le professionnalisme de cette personne et le contexte professionnel. Vous n’êtes pas le meilleur manager du monde, ni le collègue le plus agréable. Mettez de côté l’affectif, les rancœurs et les jalousies.

N’oubliez pas que vous serez candidat à votre tour. Dans quelques mois ou années, vous serez aussi en recherche d’emploi et vous aurez peut-être besoin d’un référent. D’autres parleront de vous à des recruteurs et vous aimeriez sûrement que ces personnes soient fiables et loyales envers vous. Agissez comme vous aimeriez qu’on le fasse pour vous.

Rendez vous disponible. Ne répondez pas à un recruteur entre 2 rendez-vous, quand vous n’avez pas le temps. N’hésitez pas à demander à être rappelé à un moment où vous aurez le temps de parler calmement. Vous ne pouvez pas vous rappeler de tous les détails, ce sera encore pire si vous êtes pris au dépourvu.

La prospection « déguisée » existe. Certains recruteurs sont avant tout des commerciaux. Ils prétextent un contrôle de références sur un ancien collaborateur pour vous soutirer des informations sur votre entreprise. Il n’y a rien de grave ou de dangereux en soi. Mais c’est très désagréable de découvrir la vraie raison de l’appel au bout de 10 minutes de conversation…Vous avez le droit d’écourter l’échange!

5/ Un dernier conseil pour les recruteurs

Recoupez au maximum les informations. Lorsque c’est possible, demandez toujours au candidat de donner 2 ou 3 référents, de manière à avoir plusieurs sources d’informations. Il ne faut pas se fier aveuglément à un seul référent. Il est important de garder en tête ce qu’on a pensé personnellement du candidat, ce qui nous a plu, ce qu’il nous a dit. Sans oublier les résultats aux éventuels tests qu’il a réalisés et réussis. La prise de référence devrait uniquement être un outil d’aide à la décision.

Respectez une trame simple:

  • présentez-vous et redonnez rapidement le contexte (objectif + timing)
  • demandez à la personne référente de se présenter et de rappeler son lien avec le candidat
  • vérifiez des infos factuelles sur le candidat : intitulé du poste, périmètre de fonction, missions, dates de présence dans l’entreprise
  • ciblez 2 ou 3 points sur lesquels vous voulez « creuser » avec le référent et posez des questions comportementales 👉 racontez-moi une situation/ parlez-moi d’un exemple ou M/Mme X a fait telle ou telle chose
  • pendant l’échange, n’hésitez pas à recadrer si le référent partage des informations personnelles sur le candidat
  • pourquoi pas terminer par « si nous embauchons M/Mme X, quels conseils pourriez-vous nous donner pour faciliter son intégration? »

Conclusion

Outil indispensable pour les uns, « étape piège » pour les autres, la prise de références est encore incontournable dans beaucoup d’entreprises. Ou pour accéder à certains postes. Il faut savoir l’utiliser à bon escient et garder en tête que finalement il s’agit d’ un humain qui demande à un humain de lui parler d’un autre humain. C’est à la fois très simple et beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît!

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